Nous allons faire la lumière sur ce texte qui vient d’être publié, dont la thématique est «la justice».
Le titre suggestif (Avocat en Russie, un métier à hauts risques) est parlant.
L’auteur (identifié sous la signature d’anonymat
) est positivement connu.
Cet encart peut en conséquence être pris au sérieux.
La date de publication est 2024-01-02 10:42:00.
Voilà ll’article :
Le tribunal de Moscou a prolongé jusqu’en mars la détention des trois avocats de l’opposant Alexeï Navalny. Le métier d’avocat reste un exercice périlleux en Russie.
Quoi de plus habituel qu’un tribunal pour un avocat. Sauf que désormais, ce sont eux derrière les barreaux, face au juge au manteau noir. La persécution et la détention des avocats en Russie n’est pas un phénomène nouveau, ce qui est inédit, c’est qu’ils sont trois à défendre la même personne. Face au choc de cette nouvelle, deux pétitions ont été signées et une grève a été déclarée par des centaines d’avocats.
Très mauvais signal
« C’est un signal très mauvais pour notre profession. Nous recevons le message que n’importe lequel d’entre nous pourrait être à leur place. » Kaloi Akhilgov, avocat en droit pénal, ne cache pas son inquiétude. « Pour la première fois, les avocats d’une personne accusée d’extrémisme sont eux-mêmes accusés d’être membres d’une ‘communauté extrémiste’. C’est comme si, dans une affaire de corruption, on était nous-même accusé de corrompre. »
Lui-même a déjà subi un interrogatoire du centre de lutte contre l’extrémisme lorsqu’il assurait la défense des activistes d’Ingouchie accusés d’ »extrémisme », suite aux manifestations dans cette petite république voisine de la Tchétchénie.
« Il n’a jamais été facile pour les avocats indépendants de travailler. »
La poursuite des avocats de Navalny est celle qui a fait les gros titres des médias internationaux. Pourtant, la liste des avocats victimes du Kremlin est beaucoup plus longue. L’éventail est large, allant des affaires pénales à motivation politique, comme dans le cas d’Ivan Pavlov et de Dmitry Talantov, les avocats du journaliste Ivan Safronov, à la reconnaissance en tant qu’agent étranger et radiation du barreau, comme dans le cas de Mikhail Benyash.
Cela peut être également un passage à tabac, comme c’est arrivé à Alexander Nemov en Tchétchénie. « Le sentiment qu’il y a moins d’air autour de nous a augmenté avec la guerre en toile de fond », témoigne Maxime Kroupskiy, qui défend les activistes en Russie. « Il n’a jamais été facile pour les avocats indépendants de travailler, mais aujourd’hui, avec la qualification des avocats comme ‘agents étrangers’, l’ouverture de procédures pénales et les attaques, la situation s’est encore aggravée. À mon avis, la communauté judiciaire a reçu un message clair: la démonstration publique de déloyauté politique sera lourde de conséquences. »
« Pour l’accusé, l’avocat est généralement le seul fil qui le relie au monde extérieur. »
Indispensables dans un pays répressif
Certains ont décidé de partir. Beaucoup restent, persuadés que le métier d’avocat actuellement est plus nécessaire que jamais. Pourtant, la réalité judiciaire ne donne que très peu d’espoir. Seulement une affaire sur 300 débouche sur un acquittement, selon les statistiques de la Cour suprême de la Fédération de Russie, en 2022.
Pourquoi de tels risques pour si peu de résultats? « Tout d’abord, 0,36% d’acquittements, c’est 2.062 vies sauvées grâce au travail des avocats », insiste Maxime Kroupskiy. « En outre, pour l’accusé, l’avocat est généralement le seul fil qui le relie au monde extérieur. Une personne capable d’attirer l’attention de l’opinion publique sur la violation de ses droits, comme la torture. »
« L’investigateur et la juge boivent le thé ensemble et peuvent se mettre d’accord par téléphone. »
L’avocat évite que la pire chose qui puisse arriver à son client se produise: être laissé seul avec le système derrière des murs de barbelés. « L’avocat est celui qui ne baisse jamais les bras. Comme les médecins en soins palliatifs. Le système judiciaire en Russie est un cercle vicieux, où l’investigateur et la juge boivent le thé ensemble et peuvent se mettre d’accord par téléphone. Nous, on est hors système. On doit fournir dix fois plus d’efforts pour relever une erreur dans l’affaire, un élément irréfutable. Mais il est toujours possible d’alléger le sort d’une personne », affirme Andrei Grivtsov. Il se décrit comme un pessimiste optimiste.
Il assure la défense de Vadim Kobzev, l’avocat poursuivi de Navalny, malgré les risques évidents. « On n’a juste pas le droit de considérer une affaire comme désespérée. » Kaloi Akhilgov a une très jolie image pour décrire le métier d’avocat en Russie: un homme debout face à un éboulement.
« J’ai toujours été conscient que c’est un métier dangereux avec beaucoup d’obstacles. J’ai donc élaboré une maxime il y a des années: d’abord assurer sa propre sécurité, avant d’essayer de construire la défense de ton client », explique-t-il. « L’affaire des avocats de Navalny nous montre tout d’abord ce qu’on ne doit surtout pas reproduire désormais: ne transmettre aucune information de la part de l’accusé, en rien publier sur les réseaux sociaux, en gros, ne donner aucune raison de poursuites judiciaires. »
Actuellement, 600 personnes purgent leur peine pour motifs politiques, leur nombre a augmenté de manière spectaculaire après le début de la guerre en Ukraine.
Le résumé
- Bien souvent, les avocats qui défendent des opposants au régime de Poutine se retrouvent eux-mêmes derrière les barreaux.
- Certains décident de poursuivre leur métier, malgré les risques encourus.
- Pour l’accusé, l’avocat est généralement le seul fil qui le relie au monde extérieur.
- Souvent, ils parviennent à alléger le sort des personnes accusées.
Bibliographie :
Droit des sociétés/Les difficultés de fonctionnement,Le livre .
La fabrique des jugements,Le livre .
Sociologie de la délinquance et de la justice pénale – Nouvelle édition actualisée,Ouvrage .