Dans le cas 2022 de Omega Engineering LLC et Oscar Rivera c. République du Panama (Affaire CIRDI n° ARB/16/42), le Tribunal a été confronté au défi de faire la distinction entre les actes souverains d’un État et ses activités commerciales. Cette affaire a soulevé la question cruciale de savoir à quel moment la conduite d’un État passe de l’exercice d’une autorité souveraine à un comportement d’entité purement commerciale. En fin de compte, le Tribunal a rejeté la demande des demandeurs et a accordé une partie des frais au Panama en tant que partie gagnante, soulignant ainsi la complexité de la question.
Contexte du différend
Omega Engineering (le « Consortium Omega » ou « Consortium ») et Oscar Rivera (« M. Rivera ») (collectivement, les « Demandeurs ») ont demandé plus de 100 millions de dollars à la République du Panama (« Panama » ou le « Gouvernement »). ). Ils ont allégué que le Panama avait violé l’accord de promotion commerciale entre le Panama et les États-Unis. (« TPA ») et le Traité bilatéral d’investissement Panama-États-Unis (« PEU »). Les demandeurs ont souligné une série de mesures prises par le Panama, notamment la résiliation des contrats de projet, le non-paiement des factures, la rétention des permis et l’ouverture d’enquêtes pénales contre M. Rivera. Les demandeurs ont soutenu que ces actions étaient des représailles et découlaient du refus de M. Rivera de contribuer à une campagne pour le poste de vice-président du Panama de l’époque.
Les contrats de projet en question concernaient, entre autres, la construction d’installations médicales, de centres d’enseignement supérieur et d’un palais de justice. Les demandeurs ont soutenu que les résiliations de contrats étaient injustifiées et violaient les protections accordées aux investisseurs étrangers en vertu des traités d’investissement pertinents. En outre, les demandeurs ont affirmé que les actions du Panama incluaient une campagne de diffamation, qui impliquait une enquête criminelle sur des allégations de corruption contre M. Rivera, portant atteinte à sa réputation mondiale.
Objections juridictionnelles soulevées par le Panama
La réponse du Panama a soulevé plusieurs objections de compétence, citant un manque de compétence en raison d’allégations de corruption dans le projet La Chorrera, un contrat attribué au Consortium Omega. Le Panama a fait valoir que les demandeurs avaient soudoyé un ancien juge de la Cour suprême du Panama pour obtenir le contrat et a soutenu que les violations de contrats commerciaux ordinaires ne tombaient pas sous le coup des protections du TBI, citant des cas comme le Annulation de Vivendi et El Paso c. Argentine. Le Panama a également soutenu que les demandeurs n’avaient pas fourni de preuves suffisantes des motivations alléguées du vice-président et que la réunion de sollicitation de 2012 n’était pas prouvée.
Le Panama a déclaré que ses actions étaient de nature commerciale et qu’aucune expropriation n’avait donc eu lieu. En outre, le Panama a fait valoir que les enquêtes criminelles avaient été menées raisonnablement dans le cadre de pouvoirs de police justifiables concernant la demande de protection et de sécurité complètes. Le Tribunal a considéré que les questions de compétence et de fond étaient étroitement liées et n’a pas divisé l’affaire.
Évaluation de la légitimité commerciale
La question centrale était de savoir si le Panama avait agi raisonnablement à titre commercial ou s’il avait adopté un comportement souverain illégitime. Les demandeurs ont suggéré un test exigeant la preuve d’une mauvaise conduite du gouvernement ayant contribué à la résiliation du contrat. En revanche, la norme du Panama exigeait de prouver que des actions arbitraires ou illégitimes étaient la « cause unique et immédiate » de l’échec du contrat de projet. Le Tribunal a rejeté les deux approches et a soigneusement examiné chaque projet afin de distinguer les mesures commerciales légitimes des exercices déraisonnables du pouvoir souverain.
Pour chaque contrat de projet, le Tribunal a conclu que le poids de la preuve indiquait que l’entité gouvernementale concernée avait un fondement contractuel légitime pour ses actions. Pour ce faire, le Tribunal a évalué si les actions des entités gouvernementales dans leurs relations avec le Consortium dans les projets constituaient un abus de pouvoir public ou visaient à nuire au Consortium.
Le Tribunal a conclu que les actions du Panama étaient compatibles avec des mesures commerciales légitimes, citant les exemples suivants :
- La décision de résilier un contrat était fondée sur le fait que le Consortium Omega n’avait pas satisfait aux exigences du projet. Le Tribunal a pris en compte divers facteurs, notamment les actions du Consortium pendant le projet. Celles-ci comprenaient la réduction de la main-d’œuvre sur site jusqu’à ce que les problèmes de paiement et de prolongation des délais soient résolus, la demande de paiement supplémentaire et finalement la suspension de tous les travaux. Ces actions ont été jugées importantes, étant donné que le Panama avait accordé plusieurs prolongations de délai pour achever le projet.
- La décision du Panama de résilier un contrat a été influencée par le fait que les demandeurs n’ont pas fourni les dépenses opérationnelles nécessaires pour soutenir leurs demandes de modification de commande.
- Il a été constaté que les demandeurs n’avaient pas alloué les ressources nécessaires pour mener à bien les projets.
En outre, le Tribunal a pris en compte les retards habituels associés à un changement dans l’administration gouvernementale, ainsi que la réticence du gouvernement à allouer des fonds budgétaires supplémentaires. Le Tribunal a également déterminé que le gouvernement n’avait pas traité différemment les autres entrepreneurs.
Le rôle des témoignages
Au cours de l’audience, le Tribunal s’est largement appuyé sur les dépositions des témoins pour déterminer si le gouvernement agissait dans le cadre de ses capacités commerciales. Des témoignages spécifiques ont eu un impact significatif sur le cas des demandeurs, révélant que la résiliation du contrat était fondée sur des considérations commerciales plutôt que sur des actions illégitimes ou arbitraires de la part du Panama.
Le Tribunal a souligné l’importance du contre-interrogatoire dans ses conclusions, soulignant le préjudice potentiel associé à l’omission de contre-interroger dans de tels cas. Il a souligné que la décision des demandeurs de ne pas contre-interroger un témoin directement impliqué dans les contrats limitait la capacité du Tribunal à évaluer s’il y avait une intention de nuire de la part du Panama. Notamment, le Tribunal a précisé qu’il n’avait pas critiqué les décisions stratégiques prises par l’une ou l’autre des parties dans leurs présentations, mais a observé que les éléments de preuve et les témoignages fournis par les témoins impliqués dans le projet pourraient aider le Tribunal à comprendre pourquoi un contrat particulier a échoué.
L’enquête sur la corruption
Les demandeurs ont soutenu que l’enquête criminelle menée par le Panama n’était pas authentique. Ils ont affirmé que les actions du Panama violaient les principes de traitement juste et équitable, de protection et de sécurité totales, et constituaient une expropriation indirecte de leurs investissements. D’un autre côté, le Panama a allégué que les demandeurs avaient obtenu le contrat du projet La Chorrera grâce à la corruption. Le Panama a également affirmé que la transaction foncière de Tonosí était une transaction frauduleuse visant à dissimuler la corruption des demandeurs. En outre, le Panama a fait valoir que ses actions constituent un exercice légitime du pouvoir de police.
Le Tribunal a procédé à une analyse approfondie pour déterminer l’authenticité de la transaction foncière de Tonosí. Les demandeurs ont affirmé la légitimité de la transaction, tandis que le Panama a fait valoir qu’il pourrait s’agir d’un stratagème frauduleux. Après un examen attentif, le Tribunal a conclu qu’il existait une forte probabilité que la transaction foncière de Tonosí ne constituait pas une transaction légitime. Par conséquent, le Tribunal a conclu que les demandeurs ne pouvaient prouver aucun acte répréhensible de la part de la police panaméenne au cours de leurs enquêtes.
Dans le contexte de l’analyse juridictionnelle, le Panama a soutenu que les allégations concernant l’enquête criminelle de M. Rivera ne découlaient pas directement d’un investissement comme l’exigent le TBI, le TPA et l’article 25 de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et Ressortissants d’autres États (« Convention CIRDI »), car la cible initiale était l’ancien juge de la Cour suprême du Panama. Néanmoins, le Tribunal a déterminé que les allégations de l’enquête criminelle étaient directement liées aux investissements des demandeurs.
Aucune preuve n’ayant été présentée en vertu de la loi panaméenne pour établir la corruption dans la réalisation de l’investissement, le Tribunal s’est abstenu de décider de la norme de preuve applicable en cas de corruption. Les États-Unis et les demandeurs ont avancé que le critère devrait être « une preuve claire et convaincante », tandis que le Panama a soutenu qu’il devrait s’agir d’une « prépondérance des probabilités ».
Observations finales
La décision du Tribunal dans Omega c. Panama revêt une grande importance car il souligne l’équilibre complexe entre la protection des investissements étrangers et la prérogative d’un État de participer à des entreprises commerciales. Toutefois, déterminer si un État a agi dans sa sphère commerciale sans exercer son autorité souveraine n’est pas une question de première impression et reste fortement dépendant des circonstances spécifiques de chaque cas. Comme démontré dans omégaIl est conseillé aux tribunaux d’examiner et d’évaluer méticuleusement les preuves.