Article tout frais : Ces avocat·es qui se battent contre l’antisémitisme

Dans le cadre de notre rôle de vous alerter, nous publions ci-dessous un article vu sur internet aujourd’hui. Le thème est «la justice».

Son titre suggestif (Ces avocat·es qui se battent contre l’antisémitisme) est sans détour.

Le chroniqueur (présenté sous la signature d’anonymat
) est positivement connu pour plusieurs autres posts qu’il a publiés sur le web.

Ce texte peut en conséquence être pris au sérieux.

Sachez que la date de publication est 2024-02-13 11:45:00.

Via, entre autres, sa ligne bleue (5), mise en place pour les victimes et les témoins d’actes et d’agressions antisémites, l’OJE, qui traitait une soixantaine de dossiers par mois, a vu ce chiffre quadrupler.

En l’espace d’une semaine, fin novembre, l’organisation aura dû traiter quatre-vingts affaires : dans un établissement scolaire huppé du 16e arrondissement de Paris, une collégienne a rapporté qu’en cours de gymnastique, les élèves avaient choisi comme surnoms pour leurs groupes, « Tonton H » et « Heil Hitler ».

Dans une école de comptabilité des beaux quartiers, une professeure de finances, qui recommandait le visionnage de films comme Le Loup de Wall Street, a demandé si des étudiants juifs étaient présents dans la classe. Deux ont levé la main. Elle a alors ajouté au sujet et de la mini-série Madoff : « C’est particulier parce que d’habitude les juifs n’escroquent qu’en dehors de leur communauté, mais là on voit qu’ils ont passé un autre cap, ils s’escroquent entre eux. » Des croix gammées ont été taguées sur les murs des commerces et dans des établissements scolaires.

On a eu le premier refus de soigner un patient au nom juif aux urgences d’un hôpital parisien.

« On a eu le premier refus de soigner un patient au nom juif aux urgences d’un hôpital parisien. Des taxis qui refusent de prendre la course et des livreurs qui, comprenant qu’ils arrivent dans une maison juive, jettent le sac et la nourriture au sol, poursuit Me Ouaknine-Melki. Cela s’aggrave, c’est devenu l’antisémitisme qui s’immisce dans les petites choses du quotidien. Mais celui qui tue en France depuis 2006, c’est l’antisémitisme de l’islam radical. L’extrême droite, responsable de tags de croix gammées et des profanations de cimetières juifs, n’a pas non plus baissé la garde. Ce sont des groupuscules néonazis identifiés, extrêmement surveillés, qui s’entraînent et qui sont prêts. Ces deux formes d’antisémitisme se rejoignent. Dans les affaires terroristes, je pense notamment à Ozar Hatorah à Toulouse en 2012 et à l’Hyper Cacher de Vincennes en 2015, les armes ont été fournies par des filières en lien avec des groupuscules néonazis. » Mais cette période de tous les dangers n’est pas sans éclaircies.

À force d’écumer les plateaux de télévision pour tirer la sonnette d’alarme à chaque résurgence d’actes antisémites, la présidente de l’OJE a constaté une évolution des médias : « J’ai bien senti une prise de conscience chez les journalistes. Le climat est tel que certains ont vu leur ami se prendre une sale remarque quand il va chercher son gobelet chez Starbucks. Ou leur gardienne demander à leurs voisins de retirer la mézouza (6) à l’entrée de leur appartement de peur que l’immeuble soit ciblé. »

C’est du côté de la justice que son combat se concentre aujourd’hui : « Le seul moyen de stopper ces actes à caractère antisémite, c’est que la justice, quand elle passe, soit implacable. Elle doit délivrer un message de fermeté absolue, être exemplaire dans son traitement du dossier, c’est-à-dire ne pas louvoyer et retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme. »

C’est tout le sens de sa plaidoirie face aux juges de la 17e chambre du Tribunal de Paris, le 22 novembre dernier. Pas d’effets de manche : « Je plaide pour les peines ; vous, les juges, êtes le dernier rempart contre la barbarie, arrêtez ce fléau qui nous gangrène. »

La prévenue, Warda Anwar, influenceuse aux dix mille abonné·es sur Instagram, a posté le 2 novembre dernier une vidéo où elle ironise sur un nourrisson qui aurait été placé dans un four.  « Je me pose la question de s’ils ont mis du sel, du poivre, s’ils ont mis du thym… Ça a été quoi l’accompagnement ? Vous ne vous posez pas la question, vous ? » Une séquence ignoble loin d’être un cas isolé : depuis le 7 octobre, les réseaux sociaux sont le théâtre d’un déferlement de haine antisémite. Le procureur avait requis dix mois avec sursis. Le tribunal sera plus sévère : dix mois avec sursis probatoire de deux ans, 9 000 euros de dommages et intérêts, stage de citoyenneté à ses frais. Cette fois la justice est passée, mais endiguer la haine antisémite qui explose en France est d’abord l’affaire de tou·tes.

Sur la photo : Stéphanie Cohen, Sandra Ammar, Élodie Madar, Muriel Ouaknine-Melki, Oudy Bloch, Sarah Pariente, Nicolas Salomon et Felicia Malinbaum, avocates et avocats membres de l’Organisation juive européenne (OJE), au Tribunal de Paris, le 19 décembre 2023.

 

1. o-j-e.org
2. spcj.org
3. Tags et affiches constituent « 50 % » des faits ; menaces et insultes « 22 % » ; apologie du terrorisme « 10 % » ; atteintes aux biens « 8 % » ; coups et blessures « 2 % ».
4. Au Moyen Âge, on reprochait aux juifs de souiller l’eau des puits pour intoxiquer les chrétiens.
5. Ligne bleue : 07 45 14 55 65 (prix d’un appel local).
6. Étui fixé au seuil de la porte contenant un parchemin enroulé qui reproduit des versets du Deutéronome de la Torah.

À lire : Histoire politique de l’antisémitisme en France, de 1967 à nos jours, sous la direction d’Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat et Rudy Reichstad, éd. Robert Laffont.

Cet article a initialement a initialement été publié dans le magazine Marie Claire numéro 858 daté mars 2024.

A lire:

Droit du travail/La représentation collective des salariés,Ouvrage .

Le régime juridique des marchés publics : droits et obligations des signataires des marchés de travaux,Le livre .

Réformer le droit des mineurs délinquants,A voir et à lire. .