Développements récents en droit européen de la consommation : défauts cachés des avions et vols annulés

En juin dernier, la CJUE a rendu deux arrêts analysant la portée de l’application de l’exception des « circonstances extraordinaires » à la responsabilité des compagnies aériennes en cas d’annulation de vol, lorsque l’annulation est la conséquence d’un défaut caché de l’avion.

Dans Finnair (C-385/23) Un avion relativement récent (5 mois) a eu une panne de jauge de carburant, qui est devenue évidente lors du ravitaillement peu avant le décollage. Pour des raisons de sécurité, le vol a été annulé et les passagers n’ont pris l’avion que le lendemain, arrivant à destination avec environ 20 heures de retard. L’enquête sur le défaut a montré que même si cet avion était le premier à être confronté à ce défaut, tous les autres avions du même type en ont souffert.

Dans D. (C-411/23) Le transporteur a reçu de son fabricant une notification d’un défaut de conception caché du moteur, accompagnée d’une liste de restrictions sur l’utilisation future d’un avion. Quelques mois plus tard, le défaut s’est manifesté et le moteur a dû être envoyé en réparation. En raison d’une pénurie mondiale de moteurs, le remplacement du moteur n’a pas été possible pendant près d’une semaine sur cet avion. Le vol du passager a donc été retardé de plus de 3 heures, car un autre avion a dû être utilisé pour effectuer le vol.

Le fabricant révèle un défaut de conception après la défaillance technique

FinnairL’affaire de ‘s est relativement simple. La CJUE confirme que la défense des « circonstances extraordinaires » de l’article 5(3) du règlement 261/2004 relatif aux droits des passagers aériens s’applique également lorsque le constructeur d’un avion découvre l’existence d’un défaut caché après que ce défaut s’est manifesté et a causé un préjudice. Le moment de la reconnaissance d’un défaut comme étant caché n’est pas pertinent, cette reconnaissance ne doit donc pas précéder la survenance d’une défaillance technique. Alors que le traitement des conséquences des défaillances techniques pourrait normalement être considéré comme relevant de l’exercice normal de l’activité des compagnies aériennes et de leur contrôle, la CJUE a déjà reconnu une exception pour les défauts de fabrication cachés des avions (paragraphes 30, 33-35).

Connaissance par le transporteur du défaut de conception avant la survenance de la défaillance technique

De même, dans D. La CJUE rappelle la jurisprudence antérieure sur les cas où des défaillances techniques peuvent être qualifiées de « circonstances extraordinaires », c’est-à-dire lorsque des défauts de conception cachés se manifestent, car ils ne sont pas inhérents à l’activité normale des compagnies aériennes et restent hors de leur contrôle réel (paragraphes 34, 36-38). Elle souligne ensuite également l’inutilité du délai dans lequel le fabricant révèle l’existence d’un défaut caché aux transporteurs aériens « puisque ce défaut existait au moment de l’annulation ou du retard important du vol et que le transporteur n’avait aucun moyen de contrôle pour le corriger » (paragraphe 40).

Il s’agit d’une conclusion intéressante, car on aurait pu prévoir que si les transporteurs aériens étaient informés que l’un de leurs appareils appartenait à une catégorie d’avions présentant un défaut de conception caché, ils auraient alors (un certain) contrôle sur les mesures de suivi : réparation ou remplacement. La prise de mesures correctives resterait également cohérente avec l’objectif d’assurer un niveau élevé de sécurité des vols (paragraphe 41).

Cela nous amène à la deuxième partie de l’article 5(3) du règlement 261/2004 qui ne dégage les transporteurs aériens de leur responsabilité que s’ils ont pris des « mesures raisonnables » lorsque des circonstances extraordinaires se sont produites, c’est-à-dire « des conditions qui sont techniquement et économiquement viables pour ce transporteur » (paragraphe 44). La CJUE laisse à la juridiction nationale le soin de déterminer si toutes les mesures raisonnables ont été prises par le transporteur, à la fois après la notification d’un vice caché et après la manifestation de ce vice (paragraphe 48). Cela aurait pu inclure la capacité de la compagnie aérienne (financière et technique) à faire réparer ce moteur tout en remplaçant l’avion cloué au sol par un avion affrété ou en y installant un moteur de remplacement (paragraphe 50). Alternativement, si cela était viable, la compagnie aérienne aurait pu prévoir une flotte de secours ou des avions et un équipage en réserve (paragraphe 51). Ce que la CJUE ne considère pas comme une mesure raisonnable est le fait que la compagnie aérienne redimensionne ses opérations juste en cas de survenance hypothétique d’un vice (paragraphe 52).